mercredi 5 décembre 2007

Aït Ahmed et le colonel Cha‘bani arrêtés

Sans doute Ben Bella et sa politique avaient-ils des défauts tels qu'ils ne pouvaient qu'entraîner ses anciens compagnons à se révolter contre lui. Mais quand cette opposition prend la forme d'équipées violentes dans lesquelles ils entraînent des militants qui leur font confiance, je suis plus tenté d'être d'accord qu'il les mette en prison pour empêcher qu'ils ne glissent vers l'aventure, et ne deviennent responsables de dérives graves pour eux et le pays. Aussi, suis-je séduit par les appels d'Alger rép. à la confrontation pacifique des points de vue, et par sa dénonciation de ceux qui, comme dans le drame en Kabylie, attisent la haine et la discorde, et tentent « d'obscurcir les problèmes politiques.»
On saura que le regretté président Boudiaf en a durablement gardé une dent contre les animateurs d'Alger rép. Au journaliste parti l'interviewer à Kenitra quelque temps avant son retour au pays, il rappellera que les communistes à qui il avait demandé de le soutenir dans l'épreuve de sa mise en détention lui ont répondu : « Ce sont des querelles entre vous. Cela ne nous concerne pas et nous ne pouvons y intervenir... » Et si j'assume personnellement aujourd'hui cette faillite préjudiciable au devoir de solidarité démocratique, de la part de ceux dont je partagerai intimement les positions politiques et la vie clandestine de parti durant plus d'un quart de siècle, je comprends les tristes circonstances qui ont présidé à ce manquement. Car, en ces temps-là, il ne se passe pas un jour sans que l'on ait à déplorer la mort de frères, nouveaux martyrs, de cette région qui m'est chère, et jusque dans le Constantinois, de la main d'autres frères, que leur fidélité à des responsables avec qui ils ont milité dans le passé a poussés dans cette aventure sanglante. J'en suis très peiné, j'en suis malade.
Ben Bella a beau dire : « Nous ne voulons pas dresser une potence à chaque coin de rue » (à des étudiants français de l'UNEF), ou « nous n'avons prononcé aucune peine de mort. Je ne voudrais pas être appelé à signer de tels actes » (aux magistrats algériens), la catastrophe finit par arriver.
Aït Ahmed est capturé, de même que le colonel Cha‘bani. Ils sont tous deux condamnés à mort. Et si le premier a eu, heureusement, la vie sauve, même s'il porte, lui aussi, au moins une part de la responsabilité de la perte incommensurable de nombreux militants de la guerre de libération et de citoyens de l'indépendance, le colonel sera, malheureusement, exécuté début septembre 1964. Bien évidemment, avec le recul, ce geste sera regretté et on finira par réhabiliter Cha‘bani. Et certainement, l'on se félicitera aussi qu'on n'ait pas eu à le faire pour Aït Ahmed. Mais, après ceux sacrifiés dans les heurts évitables de l'été 1962, les citoyens tombés victimes dans ces entreprises de dissidence – il y en a que l'on a pendus de façon expéditive !– comment prendre en charge leur mémoire ? Dans le bruit et la fureur d'alors, même si je n'ai pas écrit pour le dire, je suis parmi les nombreux citoyens en colère qui exigent une fermeté exemplaire envers ces opposants, fauteurs de guerres entre Algériens…

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