mercredi 5 décembre 2007

UNEA, Trois longs mois difficiles !

Nous nous organisons en retenant donc les camarades élus venus des sections de l'étranger, et nous nous mettons au travail. Je suis chargé de réunir les documents du congrès pour les éditer en brochure des travaux et d'en suivre la confection auprès de l'imprimeur. Nous programmons les élections pour renouveler les directions de sections de l'Union, notamment celles de l'intérieur, dont l'importante section Alger, et celles de l'extérieur, dont la non moins importante section de Paris. Dj. Naceur et M. Saha sont les envoyés du CE pour "restructurer" la section de Paris et en déloger les responsables récalcitrants, dont celui qui deviendra plus tard un ami, Abbas Didine, et le très sympathique Djennas – Pour cette dernière action, nous attendrons cependant que le remaniement de la direction soit réalisé –. Les autres secteurs de notre activité (de volontariat, syndicale, culturelle, sportive...) nous réclament et nous nous efforçons de faire face. Nous n'oublions pas la solidarité avec les diverses fédérations de l'UGTA (pétroles, PTT, Éducation et Culture...), ou avec la JFLN, où chaque fois l'un de nous est désigné pour apporter notre soutien militant lors de leurs divers congrès ou conférences... La solidarité internationale, que nous sollicitons pour notre Union ou pour notre pays, ou que nous exprimons aux étudiants et peuples en lutte, n'est pas la moindre de nos activités.
Nous entamons un travail politique en direction du FLN : nous rédigeons une lettre circonstanciée aux membres du BP-FLN pour expliquer le bien-fondé de notre position. Nous nous partageons en délégations pour rendre visite à chacun des dirigeants du FLN. Je suis de celle qui sollicite une entrevue avec le regretté Ali Mendjeli et je me rappelle la réponse laconique qu'il nous fait après avoir écouté le plaidoyer où nous avons exposé le contenu de la lettre que nous lui avons remise : « Il ne faut pas trop tirer sur la corde ! » nous dit-il sur un ton presque amène, peut-être las, en tout cas pas du tout hostile. Réponse que, pour ma part, je trouve sibylline, mais pour l'interprétation de laquelle je fais confiance à la direction du parti...
Cette dernière est tout à son affaire pour faire avancer les propositions de changement de statut d'Alger républicain – on parle également de A. Benzine comme rédacteur en chef de Révolution africaine, pour seconder Amar Ouzeggane appelé à remplacer Harbi à la tête de l'hebdomadaire. En même temps, la direction du PCA s'efforce de développer chez nous, militants, l'esprit unitaire et nous appelle, conformément aux engagements pris lors du congrès du FLN, à rejoindre les cellules de ce parti pour renforcer son caractère d'avant-garde. Mais nous avons des difficultés à être convaincus des possibilités de changement du FLN. Personnellement, je suis un des plus sectaires, d'autant que je reste attentif, même si c'est d'un peu loin, aux négociations serrées autour des aménagements à faire dans la direction, entre notre président, H. Mouffok, et le responsable des Étudiants militants du FLN, Abdessadok. Ce dernier est fin et intelligent, mais je n'arrive pas à lui reconnaître quelque valeur parce qu'il me semble ne tirer sa force et ses convictions que du fait qu'il se dit le représentant de Ben Bella – il se glorifie d'en être proche, ou en tout cas, le porte-parole direct en milieu étudiant ; et parce qu'il m'agace avec ses discours sur l'islam dont il se dit le défenseur des valeurs, contre nous, les communistes, des "mécréants", semble-t-il dire... alors que pour moi, ce pour quoi nous nous disputons n'a rien à voir avec l'islam. Jacques Berque dirait plus scientifiquement : « L'islam, comme le christianisme en pareilles occurrences, ne peut être appelé à dialoguer de niveau avec un système bâti non sur l'observance de la loi et la promesse du salut, mais sur la constatation du conflit et du primat de l'histoire. »
En réalité, de l'islam, ce n'est pas seulement Abdessadok qui parle. Le Président Nasser, Tewfiq el-Madani, notre ministre des Affaires religieuses, Amar Ouzeggane, entre autres, abordent la question en mettant en relief la convergence, ou du moins la non-opposition entre l'islam et le socialisme. Pour moi, ces interventions ne font que confirmer le non-fondé des prétentions de Abdessadok ; et je ne vois pas qu'en réalité, toutes ces insistances sur les valeurs de l'islam (et sur leur jonction avec le socialisme comme voie de la dignité) ont un sens ; elles sont toutes tendues par la volonté de calmer les inquiétudes qui travaillent nos sociétés quant aux risques pour notre personnalité nationale entraînés par le choix socialiste, réputé porteur d'ignorance sinon de mépris de la religion...
Toujours est-il que les efforts de Mouffok et Abdessadok avancent vers la solution d'un remaniement du CE-UNEA qui sera officiellement entérinée dans une session extraordinaire du CD, le lundi 16 novembre pour le renforcement du Mouvement. Et de fait, le fin dosage concocté par nos deux responsables a donné une équipe tout à fait fraternelle qui m'a permis personnellement de nouer des amitiés très solides, notamment avec Mohammed Salah Berdi et Abdelaziz Bouchaïeb qui ont assumé avec brio et sérieux leurs fonctions au sein du collectif. Même avec Saïd Kitouni, les relations sont restées toujours très correctes. Ce dernier a fait plus tard carrière dans les services , dont il semble être sorti à la retraite avec un haut grade. Bien évidemment, les préjugés réciproques n'ont pu fondre que dans l'activité riche que ce réaménagement de la direction a permise. N'a-t-on pas même vu l'UNEA solliciter le cheikh Sahnoun, qui s'est mis gracieusement à la disposition des étudiants, pour organiser des cours d'arabe, comme il le faisait, précise-t-il, pour les détenus, quand il était en prison pendant la guerre ? Et pour aider à la compréhension du remaniement, le regretté Noureddine Zenine un des vice-présidents de l'Union, en clarifie le sens politique dans les colonnes d'Alger rép. Entre-temps, avec la perspective de cette restructuration, nous aurons l'honneur, le 1er novembre, de recevoir enfin le président Ben Bella à la rencontre amicale que le CE organise au 10, Bld Amirouche, pour les étudiants africains (ils sont quelque 900 sur les 6 500 étudiants de l'université d'Alger !). H. Mouffok déclare : « Le fait que le système des bourses aux Africains soit directement lié à la Présidence, démontre toute l'importance qu'accorde le frère Ben Bella aux étudiants africains...»
Ce jour-là, nous assistons, comme l'UNEA y a appelé, au défilé notamment militaire sur la route Moutonnière, en l'honneur du 10e anniversaire de Novembre. Boumédiène, ministre de la Défense fait un discours où il dit : « ...Nous pouvons dire avec fierté que l'ANP a retrouvé son unité et est dotée de l'armement nécessaire... Nous avons créé les différentes armées de terre, mer et air, que vous pourrez voir après le discours du Président...» Et nous avons vu !
D'où nous surplombons le trajet du défilé, nous sommes grandement impressionnés par le spectacle que déploie devant nous notre armée nationale populaire. Et voilà que s'élève la voix ironique de Malek : "Les copain... ain… ains ! Vous voyez ce que nous allons nous recevoir un jour sur la gueu... eu… eule ? » Personne ne relève la plaisanterie, d'un goût douteux. Mais on en rit..., jaune...

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